L’avenir sombre de la prévoyance en Suisse

Swisscanto vient de publier son étude annuelle sur les caisses de pensions suisses[1] et le constat n’est pas réjouissant. Les tendances négatives de la prévoyance professionnelle se poursuivent depuis désormais près de dix ans, selon Heini Dändliker de la ZKB.

En raison de la baisse continue des taux techniques et de l’augmentation de la longévité, les taux de conversion ne cessent de baisser :

Mais comme le montre cette étude, le taux de conversion minimal pour les avoirs obligatoires, qui reste fixé à 6.8% par la loi depuis 2006, est toujours trop haut[2]. Quelles en sont les conséquences ? Une redistribution des assurés actifs envers les retraités que la CHS-PP, l’organe de régulation de la prévoyance professionnelle, estime à près de 60 milliards sur les dix dernières années ! En d’autres termes, les caisses de pensions puisent dans les capitaux de prévoyance des actifs pour servir des retraites trop élevées.

Si elles n’ont pas le choix pour la partie obligatoire, les caisses de pension cherchent à rétablir l’équilibre en imposant des taux de conversion beaucoup plus bas pour la partie sur-obligatoire, et c’est ce qui explique pourquoi le taux de conversion combiné (qui inclut la partie obligatoire et sur-obligatoire) moyen se retrouve aujourd’hui à 5.63%. Les participants à l’enquête de Swisscanto anticipent d’ailleurs une baisse à 5.24% pour 2024. A ce rythme, les assurés qui sont à dix ans de la retraite doivent s’attendre à un taux de conversion inférieur à 5%…

En attendant une hypothétique réforme de la prévoyance, les caisses de pension doivent trouver des solutions pour rétablir l’équilibre, car compter sur la contribution du « tiers cotisant[3] » n’est pas une stratégie, surtout dans un environnement de taux négatifs voué à perdurer. Voici quelques pistes déjà suivies ou à venir :

  • Augmentation des cotisations de l’employé et/ou de l’employeur
  • Possibilité pour les assurés de choisir parmi différents plans de prévoyance
  • Prolongation de la durée de cotisation (avancement de l’âge du début de cotisation, report volontaire de l’entrée en retraite)
  • Facilitation du choix du capital plutôt que la rente à la retraite
  • Apports de l’employeur à la caisse de pension
  • Utilisation des réserves de la caisse de pension

Le fait que les suissesses et les suisses vont devoir cotiser plus, que ce soit volontairement (épargne personnelle, compte 3A, rachats dans le 2ème pilier) ou non, afin de s’assurer une retraite acceptable, est désormais une évidence. L’ignorer ou espérer une réforme miraculeuse de notre système de prévoyance (ou, plus cyniquement, compter sur les prestations complémentaires) n’est pas non plus une stratégie.

[1] Disponible ici : https://www.swisscanto.com/ch/fr/is/prevoyance/etude-caisses-de-pension.html

[2] La proposition du Parlement de l’abaisser à 6.4% a été massivement rejetée en votation populaire en 2010.

[3] Les marchés financiers, qui ont bien aidé les caisses de pension en 2019 avec une performance moyenne de 10.85%.

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