En juin dernier, la conseillère nationale Prisca Birrer-Heimo interpellait le Conseil Fédéral sur la transparence des coûts des produits d’investissement du pilier 3a. Elle constatait de fortes différences entre eux et notait que certains coûts étaient cachés. Sans surprise, dans sa réponse, l’exécutif explique que le système actuel basé sur la concurrence assure une transparence suffisante sur les coûts et que si l’on prend le temps de se renseigner, on trouve toutes les informations voulues. Affaire classée.
Contrairement aux produits d’assurance-vie, où les coûts opérationnels et de gestion sont effectivement cachés et où même les courtiers et les agents d’assurance eux-mêmes ignorent cette information, les fonds 3a sont plus transparents. Néanmoins, il existe quand même un certain flou dans les informations sur les coûts fournies sur ces produits, ainsi qu’une certaine mauvaise foi du Conseil Fédéral dans sa vision idéalisée du marché « concurrentiel » du 3ème pilier. Ce dernier représente plus de 130 milliards de francs d’une épargne bloquée, ce qui attise évidemment beaucoup de convoitises…
Parlons de la notion de « TER[1] ». Il y a plusieurs manières de le calculer, et même la nouvelle LSFin reste vague sur la notion de « frais récurrents ». Par exemple, si un gérant utilise d’autres fonds, ou des ETFs[2], dans le produit, ce qui est souvent le cas, il n’est souvent pas clair si les frais courants (frais de gestion, frais de structure) de ces instruments sont inclus dans le TER du produit. Si tel est le cas, tant mieux, mais un gérant bancaire prétendra souvent que si le produit 3a est investi dans ses propres fonds, cela est fait à travers les classes « sans frais »… or il ne parle bien évidemment que des frais de gestion[3] ! Les frais de structure de ces fonds, comme les frais de dépôt ou les frais administratifs, sont par contre toujours à la charge de l’investisseur. Et comme bien évidemment ces fonds sous-jacents sont déposés dans la même banque et administrés par la même banque, cette dernière charge donc bien ces frais de structure à double (une fois sur les fonds sous-jacents, et une fois sur le produit 3a).
Lorsque le Conseil Fédéral estime que le marché est concurrentiel, il a bien évidemment raison : chacune et chacun peut choisir librement son partenaire pour son épargne 3ème pilier. En pratique cependant, les clients sont captifs de leur banque ou de leur assurance, par paresse, ignorance ou facilité. Le choix qu’il leur est offert est dès lors limité aux produits internes, et ce ne sont évidemment pas les moins chers ! Une étude récente de la Handelszeitung qui compare l’offre de produits 3a est édifiante : les TERs des fonds 3a bancaires vont jusqu’à 1.70% (UBS Vitainvest World 75 Sustainable, gestion active), alors que les fonds 3a offerts par des fondations sont souvent bien moins chers.
On pourrait également s’étonner des commissions d’achat (voire de vente) chargées sur ces produits, alors qu’ils sont déjà très rentables pour les institutions qui les émettent. Comme client captif, la peine est double : pas de choix, et une pénalité d’entrée, qui réduit d’autant la performance réalisée.
Et je ne parle même pas des performances, car là je serais hors sujet. Mais il y aurait également beaucoup à dire là-dessus. L’étude susmentionnée permet déjà d’avoir une idée de l’ampleur du problème, car une infime partie des produits analysés surperforme l’indice de référence.
Une fois de plus, caveat emptor. Une chose est certaine : ces produits sont très rentables pour leurs émetteurs. Or, chaque franc chargé de trop est un franc de moins épargné pour la retraite, et l’impact cumulatif des frais est énorme sur une durée de plusieurs dizaines d’années. Passez donc du temps pour analyser l’offre disponible sur le marché et, le cas échéant, ouvrez une autre relation bancaire, vendez les produits trop chers et/ou sous-performants et transférez votre capital chez un partenaire plus compétitif.
Image d’illustration crée par pressfoto
[1] Total Expense Ratio.
[2] Exchange-Traded Funds. Fonds de placement qui peuvent être achetés et vendus en bourse, comme des actions.
[3] Les banques n’osent quand même plus charger des frais de gestion à double.