A chaque mois son étude qui amène des informations étonnantes – pour ne pas dire alarmantes – sur le système de prévoyance suisse. Cette fois il s’agit d’une étude de marché effectuée par Sotomo pour le compte de la fondation collective Vita, qui nous apprend que moins de la moitié (44%) des personnes interrogées considèrent leur capital LPP comme faisant partie de leur patrimoine !
Pause. S’agit-il d’une étude sérieuse ? Il semble bien que oui. Cette enquête a été menée sur un échantillon représentatif de 1’608 personnes résidentes en Suisse. Quant à Sotomo, il s’agit d’un institut de recherche indépendant basé à Zürich et fondé en 2007. Et Vita est la fondation collective de la Zürich assurance, l’une des plus importantes en Suisse.
Revenons au message de cette étude : malgré le fait qu’elles cotisent tous les mois pour alimenter leur avoir LPP, une majorité des personnes interrogées semblent donc penser que cet argent « disparaît » quelque part dans les méandres impénétrables du système de prévoyance… et espèrent qu’il pourra être récupéré au moment de prendre leur retraite. Pourtant cet argent leur appartient bel et bien, même s’il est défiscalisé (heureusement !) et qu’il ne doit pas être déclaré comme fortune dans la déclaration d’impôts. La confusion vient peut-être de là.
Et pourtant, on ne peut pas objectivement prétendre que le système est opaque. Chaque année, toutes les personnes cotisant au 2ème pilier reçoivent leur certificat LPP par courrier. Si elles prennent le temps de s’y intéresser, elles y trouveront beaucoup d’informations utiles, comme leur prestation de libre-passage ou encore le montant des rachats possibles. Et en cas de question, tant leur employeur que la caisse de pension doivent être à même d’y répondre.
Malheureusement, cette étude confirme ce que l’on constate en interrogeant casuellement des Suissesses et des Suisses qui ne travaillent pas directement dans le milieu de la prévoyance : le système des trois piliers est compliqué, rébarbatif et peu sont motivés de s’intéresser à leurs droits… au point qu’en 2020, le fonds de garantie LPP indique gérer un total de 159 millions d’avoirs LPP de près de 24’000 personnes qui n’ont pas réclamé leur dû dix ans après le début du droit à la retraite ! S’il paraît incroyable que l’on puisse ainsi « oublier » que l’on possédait un avoir LPP, combien de survivants (veuves, veufs, enfants) ont ainsi été privés de rentes en raison de cet oubli ? Un véritable gâchis.
L’autre message de cette étude est que la moitié des personnes interrogées pensent qu’elles ne recevront pas la totalité de leur avoir de vieillesse indiqué sur leur certificat LPP au moment de prendre leur retraite. Techniquement, ce montant n’est effectivement qu’une projection basée sur des éléments actuels (salaire, taux minimal LPP, etc.) qui peuvent changer dans le futur. Néanmoins, il est probable que cette méfiance soit plutôt un autre indicateur du manque de confiance qu’a la population dans notre système de prévoyance. Les jeunes adultes en particulier semblent désabusés : ils s’attendent à devoir travailler plus longtemps et à la retraite, toucher des rentes plus basses que leurs parents. Ils ont très probablement raison, et cela explique leur propension accrue à l’épargne et à l’investissement. Et c’est exactement ce qu’il faut faire.
Paradoxalement, la génération précédente, actuellement cinquantenaire, pense en général toujours qu’elle va pouvoir profiter des mêmes avantages que les baby-boomers, avec une retraite généreuse voire, pourquoi pas, la possibilité de partir en retraite anticipée… Si pour certains d’entre eux ce sera effectivement encore possible, beaucoup d’autres vont au-devant de grandes déceptions et ils feraient mieux de commencer à s’intéresser à ces questions… afin de corriger le tir avant qu’il soit vraiment trop tard.